36 800 euros. Voilà la frontière, nette et sans appel, qui sépare les micro-entrepreneurs libérés de la TVA de ceux qui basculent dans le régime classique. Un euro de trop, et la règle ne vacille pas : la franchise en base de TVA s’efface, la facturation change de visage, la gestion quotidienne se complique. La question du chiffre d’affaires n’est pas une simple ligne comptable ; elle dessine le cadre, fixe les obligations, et pèse sur la trésorerie de milliers d’indépendants.
Garder la main sur la TVA, c’est bien plus qu’une simple opération de calcul mensuel. De nombreux éléments viennent s’ajouter au total des encaissements : le calendrier d’émission des factures, la gestion des acomptes, les avances, sans oublier les régularisations de fin d’exercice. Se contenter d’accumuler ses ventes, c’est risquer l’écueil et la mauvaise surprise fiscale. Pour rester sous le seuil, il faut composer avec ces subtilités et choisir ses leviers avec soin afin de ne pas franchir la limite sans l’avoir vu venir.
La TVA, un enjeu majeur pour les autoentrepreneurs
Sous le régime de franchise en base de TVA, les micro-entrepreneurs profitent d’un fonctionnement allégé : pas de collecte à opérer pour l’État, pas de déclaration TVA spécifique, moins de contraintes administratives. Résultat : une certaine marge tarifaire et une transparence appréciée, surtout des clients particuliers, rarement enclins à subir une hausse de prix liée à la taxe. Seulement, ce confort reste soumis à des plafonds réglementaires, fixés au centime près et sans tolérance.
Le cap est clair : 36 800 euros de chiffre d’affaires pour les services, 91 900 euros pour les activités commerciales. Le moindre dépassement, même ponctuel, entraîne le passage dans le régime TVA classique, additionné de toutes les charges et formalités qui en découlent. Ce changement de statut donne accès à la TVA déductible sur les achats professionnels, ce qui peut présenter un intérêt dans certaines activités, mais représente souvent une charge nette pour ceux qui s’adressent principalement à des particuliers.
Ce passage n’a rien d’anodin : il bouscule la gestion, impose de nouvelles obligations et peut déséquilibrer la trésorerie. La vigilance s’impose donc tout au long de l’année. Suivre précisément ventes, avances, acomptes ou paiements partiels permet de garder la maîtrise sur son régime et d’éviter un glissement brutal vers l’application de la TVA.
Quels dispositifs permettent réellement de ne plus payer la TVA ?
Le régime de franchise en base de TVA est la voie privilégiée pour les micro-entrepreneurs souhaitant s’épargner la collecte et le reversement de la TVA. Cette franchise s’applique tant que le chiffre d’affaires annuel reste sous la barre : 36 800 € pour les prestations de services, 91 900 € pour la vente de biens. En cas de dépassement, même minime, la TVA redevient la règle sur toutes les opérations concernées.
Certains secteurs sont par ailleurs désignés d’office comme exonérés de TVA : les professions médicales, l’enseignement, les formations bénéficiant d’un agrément officiel relèvent systématiquement de cette exonération, quels que soient leurs revenus.
Les autres régimes, comme le régime réel et le régime réel simplifié, ne donnent, eux, aucun droit à l’exonération mais permettent d’affiner la gestion des déductions. Pour la majorité des micro-entreprises, la franchise reste l’unique façon de ne pas payer la TVA à l’État.
Pour y voir plus clair, ces deux solutions sont disponibles :
- Franchise en base de TVA (pour ceux qui respectent les plafonds annuels fixés par la loi).
- Activités de nature exonérée : professions réglementées ou formations agréées.
À chaque facture, une mention spécifique est obligatoire : « TVA non applicable, article 293 B du CGI ». Sa disparition involontaire figure souvent parmi les motifs de redressement, alors inutile de la négliger.
Obligations à connaître pour rester dans la légalité et éviter les pièges
Le respect du seuil annuel est la pierre angulaire du régime de franchise. Un passage au-delà (36 800 € pour les services, 91 900 € pour le commerce) entraîne automatiquement la sortie du dispositif. Rien n’est laissé au hasard : la déclaration de chiffre d’affaires s’effectue chaque mois ou chaque trimestre, en fonction du choix initial. L’administration fiscale surveille scrupuleusement les lignes déclarées.
Facturation : précision obligatoire
La facturation impose des règles strictes : indiquer la mention « TVA non applicable, art. 293 B du CGI » sur toutes les factures émises. En son absence, le risque de redressement fiscal augmente nettement. Les clients européens peuvent s’étonner de l’absence de numéro de TVA intra-communautaire, mais ce numéro n’est pas attribué tant que l’on reste sous le régime de la franchise.
Pour garantir la solidité de votre comptabilité et éviter tout risque, il est nécessaire d’appliquer les points suivants :
- Adoptez une numérotation des factures suivie et sans interruption.
- Archivez chaque justificatif, que ce soit sous format papier ou numérique.
- Gardez tous les documents au moins six ans, comme l’exige la réglementation.
La facturation électronique va se généraliser progressivement d’ici 2026 pour l’ensemble des entreprises françaises. Mieux vaut anticiper et organiser dès maintenant sa gestion documentaire. En cas de doute ou de complexité, consulter un expert-comptable apporte une assurance précieuse : une traçabilité irréprochable sera la meilleure protection en cas de contrôle fiscal soudain.
Des astuces concrètes pour optimiser votre comptabilité et alléger votre TVA
Maîtrisez le seuil, pilotez vos prestations
Piloter son chiffre d’affaires demande un véritable suivi : un tableau de bord adapté rend visibles les écarts et simplifie la prise de décisions. Répartir les missions tout au long de l’année, éviter l’afflux de prestations en fin d’exercice, jouer sur l’étalement des encaissements : tout cela permet de garder de la marge sous le plafond. Ajuster ses périodes d’activité selon les saisons ou les pics de demande offre aussi une certaine souplesse.
Voici quelques réflexes efficaces pour rester en dessous de la franchise TVA :
- Moduler l’encaissement des paiements pour éviter le dépassement du plafond.
- Planifier vos achats et investissements durant les phases creuses de votre activité.
- S’appuyer sur des collaborations régulières afin de lisser vos revenus sur l’ensemble de l’année.
Numérisez, automatisez, sécurisez
La comptabilité se digitalise et cette tendance facilite désormais un suivi précis. Les applications spécialisées préviennent à temps dès qu’un seuil approche. Quelques minutes suffisent chaque mois pour exporter ses données et réagir rapidement en cas d’imprévu. Faire appel à un expert-comptable en ligne constitue aussi une solution pratique pour clarifier certains choix, anticiper les changements réglementaires ou préparer un éventuel passage à la TVA.
La formation continue devient peu à peu une nécessité pour tous les micro-entrepreneurs. Être clair avec ses clients sur le fonctionnement de la TVA, rester à jour sur l’évolution du statut ou des mentions obligatoires, c’est gagner leur confiance et renforcer la solidité de son activité. Anticiper, s’organiser et ajuster sa gestion : ceux qui jouent cette carte gardent la liberté de faire évoluer leur entreprise, tout en s’épargnant les régularisations inattendues.
Sur le fil du seuil, la différence se crée dans l’anticipation. Rigueur, suivi, et choix stratégiques : voilà ce qui façonne la liberté de l’indépendant, loin des automatismes et des mauvaises surprises fiscales.

